La Pub, partie 3 – Une alternative à la publicité ?

[EDIT, 26/03/2020 : cet essai à été modifié en profondeur. Les commentaires de cet article datant de ce jour et des précédants font référence à une une version antécédante]

Je suis très critique de la publicité, pour les raisons développées dans mes deux précédents essais sur le sujet (partie 1 et partie 2), et je suis personnellement opposé à la publicité sous toutes ses formes.

Pour autant, je reconnais que le fait d’amener l’attention de quelqu’un sur un produit n’est pas négatif dans l’absolu, mais que c’est la manière dont elle est réalisée dans la société actuelle qui l’est.
J’ai donné à la publicité cette définition “Annonce de quelque nature que ce soit, conçue pour faire connaître et vanter un produit, un service, un évènement etc.”
Une annonce uniquement informative (c’est à dire qui ne ment pas, ne dissimule ni ne déforme la vérité, ne joue pas sur la manipulation), tant que certains cadres sont respectés, me semble pouvoir être éthique.

J’ai conscience que le choix des couleurs, des mots etc. porte une charge symbolique et argumentative, et qu’il est difficile, sinon impossible, de savoir à partir de quand on peut parler de manipulation. Mais, d’un autre côté, tous les actes communications portent une charge symbolique, donc même si la vigilence reste de mise, je pense qu’il faut savoir rester tolérent, quitte à fixer des limites arbitraires quant au format des annonces (par exemple, pas de vidéo, pas de couleur, taille limite ou autre)

Pour éviter que mon propos soit ambigu, je vais utiliser le terme annonce informative, que je définis comme tel « Annonce de quelque nature que ce soit, conçue pour faire connaître un produit, un service, un évenement« .

Ce genre d’annonces informatives est apprécié par certaines personnes, celles qui par exemple s’abonnent aux newsletters, qui sont pourtant promotionnelles, ou qui voient les publicités actuelles comme une potentielle source d’information, donc elle pourraient être une alternative plus éthique à la publicité.

Quel cadre pour des annonces éthiques ?

Pour être éthique, une annonce doit selon moi, en plus d’être informative, ne pas être ni envahissante, ni être l’apanage d’une minorité. Même une notice purement informative peut influencer les choix des individus, donc ces deux points sont vraiment importants.
Un modèle basé sur ces traits impliquerait que les produits (dans le sens large) ne soient pas mis en avant uniquement sur des bases économiques, et que la présentation de ces produits doive répondre au besoin d’informer les individus, et non de rentabilité pour les entreprises.
Un bien moins grand nombre de produits disponibles serait nécessaire pour que les individus puissent s’informer dans de bonnes conditions, par la décroissance et/ou par la réduction de la concurrence au profit de la collaboration (est-il nécessaire de concevoir, produire et promouvoir des centaines de modèles de voiture ou de lave-vaisselle différents chaque année ?).
Des évolutions aussi significatives ne pourraient avoir lieu dans le système capitaliste actuel, où l’absence de concurrence favorise juste la collusion et les comportements monopolistiques, et où les entreprises n’ont pas forcément à rendre de compte à leur client-e-s, ni à la société en général.

La solution peut aussi venir des individus receveurs, via une « éducation à la publicité » qui pourrait aider les personnes à mieux comprendre les mécanismes des publicités et les encourager à être critique (en s’appuyant par exemple sur ce cas d’éducation aux médias). Je ne pense pas que cela puisse suffire seul, car il est difficile de rester critique face à un message qui vise le subconscient et les valeurs symboliques, mais cela reste utile, même si des annonces informatives remplacent l’actuelle publicité, et surtout si cela n’est pas le cas.

La question du consentement

Le système publicitaire actuel n’est également pas éthique car il s’impose aux individus. Pour devenir éthique, une des conditions seraient que la norme dans la publicité soit l’absence de publicité push (défini ici comme le fait que la publicité soit amenée à l’attention de la personne sans que celle-ci l’ai accepté au préalable), et que celle-ci se limite aux personnes qui en font la demande(1).
Un exemple concret est celui de la distribution de prospectus dans les boîtes aux lettres : un système publicitaire éthique, où seules les personnes qui en font la demande reçoivent des prospectus (modèle ouipub), remplacerait le système actuel, où la distribution de prospectus est la norme et où il est nécessaire de s’y opposer explicitement.
Pour l’extérieur, le système d’affichage libre qui existe déjà me semble une très bonne solution, à adapter sur certains points. Plus de panneaux pourraient être placés dans des endroits centraux et facilement accessibles, par exemple sur des places ou des grands carrefours, mais sans qu’ils envahissent la vision des individus comme le font les panneaux publicitaires éclairés disposés spécifiquement sur les lieux susceptibles de se trouver dans le champ de vision des automobilistes ou passant-e-s. Cela me semble être un compromis acceptable en ce qu’il permet aux habitant-e-s de coir d’un coup d’oeil les initiatives et évenements prévus dans le village ou le quartier.

Collecter les données ?

Les pratiques liées au Big Data comme le deep learning, permettent de mieux cibler la publicité sur les attentes de l’utilisateur. Cela pourrait contribuer à donner aux utilisateurs-trices des annonces adaptées à leur goût. Cependant, dans notre société actuelle, où la surveillance joue un rôle de plus en plus grand, toute collecte de données peut possiblement devenir liberticide, donc est à éviter. De plus, un tel filtrage contribue à isoler l’individu en le limitant dans ce qu’il/elle peut voir, ce qui est déjà une tendance sur les réseaux sociaux et les moteurs de recherche.


Changer de paradigme

Un tel changement de paradigme est impossible dans le système actuel, mais une évolution progressive avec cet horizon en tête sont possibles dès aujourd’hui. Des progrès ne devraient pas faire oublier que la publicité comme nous la connaissons aujourd’hui ne pourra disparaître que dans une économie non capitaliste.

(1) il conviendrait bien sûr que faire cette demande ne soit pas une nécessité pour utiliser certains produits ou services, comme le sont actuellement les clauses d’utilisation parfois abusives

8 réflexions sur “La Pub, partie 3 – Une alternative à la publicité ?

  1. Merlin

    Je m’interroge, n’y a-t-il pas une incompatibilité entre le fait d’afficher publiquement des publicités et le fait de consentir à y être exposé?
    De plus, la définition que tu donnes ici de la publicité me semble tellement éloigner de la réalité des pratiques publicitaires que ce que tu décris pourrait mériter un autre terme, sous peine de vouloir sauvegarder le nom de « publicité » en ne gardant rien de ce qu’il désigne…
    Je peux me tromper, tu ne manqueras pas de me le faire remarquer, mais je ne crois pas qu’il existe aujourd’hui d’exemple de ce qui est ici désigné par « publicité ». Si c’est le cas et que ce que tu proposes est un concept nouveau, l’utilisation du terme ne pourra qu’obscurcir le débat en créant un flou sur le sens des mots.
    Je ne crois pas que qui que ce soit se prononçant contre la publicité n’ai jamais voulut exprimer qu’il était pour que les individus ne reçoivent pas d’information concernant les produits qu’ils sont susceptibles d’acheter (un exemple me prouverait mon erreur).
    Bref, utiliser « publicité » dans ce cadre n’est-il pas ridiculement conservateur?

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    1. Techniquement, oui, mais mon raisonnement est que les affiches seraient plus petites (format A4 par exemple), donc pas vraiment visible de loin. Les affichges communaux, proches de mon idée, sont à côté des mairies (dans un lieu central, donc), mais leur pollution visuelle est assez minime. Ce n’est pas parfait, mais cela pourrait être un bon compromis.

      J’avais pris l’exemple des présentations de voiture dans les émissions auto. Je n’ai pas vraiment réflechi à un terme qui pourrait remplacer celui de publicité, et je l’avais conservé car pour moi la nature de mes propositions est la même que la publicité actuelle, bien que ses objectifs et ses méthodes changent. Aurais-tu une proposition terminologique à faire ?

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      1. Merlin

        Ok, pour le paradoxe. La question est donc de savoir comment décider qu’une pollution visuelle pour de la publicité est acceptable ou non, à mon avis elle attend une réponse subjective.

        Je n’ai pas de terme à proposer, je souligne simplement qu’il est très difficile de critiquer une pratique si quand on le fait, le sens du terme change pour désigner quelque chose qui n’existe pas.
        Bref, je voulais seulement mettre en avant le fait que le sujet de cette troisième partie ne me semble pas être le même que celui des deux premières. Le lien est réalisé par l’utilisation du terme « publicité » qui y trouve des sens bien différent pourtant.

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      2. « La question est donc de savoir comment décider qu’une pollution visuelle pour de la publicité est acceptable ou non, à mon avis elle attend une réponse subjective. » : en effet. J’ai fais cette proposition parce qu’elle me semblait acceptable, mais cela se discuterait.

        Concernant le désaccord terminologique, je reste sur ma position, même s’il est vrai que j’ai utilisé le mot « publicité » dans un sens assez large.

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  2. Merlin

    Je ne mettais pas en avant un « désaccord terminologique » mais une inconsistance entre cet article et les deux autres traitant de « la pub », inconsistance ayant pour cause un glissement sémantique. Utiliser un terme nouveau est un moyen efficace pour éviter ce problème, c’est pourquoi je le proposais.
    Dans cet article, tu prends la peine d’expliquer que le terme « publicité » peut prendre plusieurs sens, préciser dans chaque conversation quel est le sens qu’on utilise me semble un effort dispensable, mais c’est personnel.
    De plus conserver un seul terme c’est risquer dans chaque conversation ce que les zététiciens nomment « effet paillasson » (https://cortecs.org/la-zetetique/effetpaillasson/).
    N’étant pas l’auteur de ce glissement, j’estimais ne pas avoir à trouver un terme adapté, pour autant il ne sera pas dit que Merlin est un connard, donc je veux bien m’y coller si ça t’arrange, mais en restant convaincu que ce n’est pas à moi de le faire…

    Je m’interrogeais également sur les raisons de ce glissement, ne parvenant pas à trouver d’exemple de « publicité » ainsi défini (je vais me renseigner sur les présentations de voitures dans les émissions spécialisées, si tu as un exemple je veux bien, car je suis hélas étranger à cette culture. Je reviendrais ici quand j’aurais trouvé ou si je cherche longtemps en vain).

    L’idée n’est donc pas de débattre du sens d’un mot (ce que je comprends quand tu parles de « désaccord terminologique ») mais au contraire, de ne pas avoir à en débattre car cela me semble vain.

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  3. Gemüse

    Ou une publibithèque ? C’est comme une bibliothèque physique (batiment) mais à la place d’y trouver des objets culturels, on pourrait accéder à la publicité informative sous format papier ou numérique.
    La publicité quitte l’espace public pour devenir un service publique auquel tout le monde peut accéder s’il le souhaite, sans qu’elle soit imposée.

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    1. C’est une idée intéressante. Il me semble cependant que dans de nombreux cas, et notamment dans les petites localités, un bâtiment serait trop grand (et trop coûteux) pour l’usage. Mais des sorte de box ou cabanes pourraient être envisageables je pense.

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